Entre ces formats de toutes tailles, parfois très grands, parfois carrés, et parmi toutes les pages de tous ces carnets d’études, on se
plonge dans une foule de portraits : un dictionnaire, une encyclopédie ; tant les figures sont nombreuses, tant les tracés s’accumulent sans jamais bégayer et tant les yeux sont multiples.
L’observation du peintre est globale, elle capture des gestes et capte ce qui fait la fantaisie de nos personnalités ; elle englobe des individus toujours distincts et construit des assemblages de créatures composites et vivantes et place inlassablement le "regardeur" dans le premier plan du champ visuel. Le travail de Walter Jagueneau explore inlassablement les silhouettes et les faciès dans une calligraphie rigoureuse, mouvante et cohérente, entre blanc cassé, ocre jaune, noir d’encre profonde, bleu lavé et rouge intense. La gamme choisie se positionne du côté des couleurs fondamentales, sans exclure les nuances et dans une unité qui ne se disperse pas dans certains mélanges.
Ces toiles nous entraînent entre légendes et réalité dans des assemblages plus ou moins dilatés, entre mystère et descriptions dans un dosage équilibré del’invention, mais on reste dans le Vrai.
Nos secrets sont bien gardés, mais le peintre les as vus, il semble les avoir touchés du doigt et les avoir compris, au moins le temps d’un instant.
Les crayons et les pinceaux de Walter montrent la vie en marche et rassemblent autant de protagonistes et de postures que nécessaire. Cet univers fourmille d’oiseaux, de féminités, de masques, de cervidés, de jambes et de pieds et rassemble des lunettes, des chapeaux, des casques, des membres articulés, des statures dissemblables, des chats et des chiens, ici un fennec du désert, là un minotaure et ailleurs un crâne viril qui frôle une frêle démarche.
Les compositions sont marquées par la spontanéité, les lignes forment des valses saisies au vol et les contours produisent de subtiles géométries. Les traits trouvent une harmonie entre des aérations et des gestes plus resserrés dans une profusion à la fois précise et dispersée : des foules foutraques animalières et familières, des groupes emprunts d’un chaos palpable, des ambiances guerrières, des visages mélangés, ...
L’énergie, la grande cohérence, la constance du travail et la singularité du style font écho à la rigueur des grands maîtres. Nous sommes devant des ensembles équilibrés, dans un dessin où se croisent des trognes de Charb, des expressions de Jacques Tardi, la force douce de Pierre Soulages, des couleurs maîtrisées de Joan Miro, des lignes libres sans horizon d’Egon Schiele, et décidément des physionomies à la façon de Pablo Picasso.
Walter Jagueneau se pose en graphiste authentique, qui combine délicatesse et fougue et qui manie en virtuose une sémantique singulière mêlant mouvement, figures et tellement de regards.
Suite - avis personnel n°2 / Clotilde Boulange – décembre 2016, Rennes
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